« Ceci est le SOS d’un paysan en détresse »

Il existe parfois des moments où la politique se recentre exclusivement sur l’humain et ses sentiments. L’intervention de Florian Dreyer, 28 ans, jeune agriculteur de Boveresse, entre dans ce cadre précis. Le conseiller général PLR a remué le Conseil général de Val-de-Travers le 29 septembre dernier. Son témoignage en faveur de la protection du bétail face aux loups est un cri du coeur, que nous vous livrons en intégralité.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Premièrement, permettez-moi de retirer ma casquette partisane et de remettre ma casquette d’agriculteur éleveur. Je ne suis pas à même de vous parler de tourisme, n’étant pas un professionnel de ce milieu. Par contre, je fais partie des 47'000 agriculteurs de notre pays et là, je crois connaître mon travail. Vous m’excuserez pour la possible fébrilité que pourrait prendre ma voix aux vues de ce sujet hautement émotionnel.

6, 8, 13, 24, 25, 29 août ainsi que 2, 3, 4, 6, 12, 13, 16, 17, 19 et 23 septembre, voici les dates des nombreuses attaques qui ont eu lieu dans et aux abords de notre vallée. Portant au nombre de 13 génisses, ainsi qu’une chèvre et deux moutons morts. A cela, on ajoutera encore les 9 génisses blessées. À savoir que d’autres analyses sont encore en cours pour venir allonger cette liste.

Sur un total de 60 jours, on arrive à 25 animaux impactés, donc presque un tous les 2 jours. Voilà les faits.

Maintenant je vais encore prendre 2-3 minutes de votre soirée, ce qui raccourcira votre nuit mais pas la mienne ainsi que celles des nombreux éleveurs de notre vallée qui ne parviennent plus à fermer l’œil de la nuit. Je vais vous partager ma situation qui est la même que pour d’autres.

Chaque jour, je me déplace sur mon domaine de Trémalmont pour sortir 8 génisses de 9 à 12 mois qui, depuis 1 mois, sont rentrées chaque soir pour essayer de limiter les dégâts. Ensuite je continue ma route sur la suite du domaine pour aller compter les génisses ne pouvant pas être rentrées à cause des normes des labels, entre autres. Chaque jour, même travail, même angoisse.

Ces jours, je dois en compter 22, alors je commence 1, 2, 3,….. 19, 20, 21….21… Purée, il manque qui ?, Paloma ? Étoile ? Skitty ? Irina ? Je fais le tour de mon pâturage dans le brouillard et là ouff… Étoile était juste en train de se frotter sous un sapin. Aujourd’hui j’ai de la chance mais jusqu’à quand ? En rentrant de ma tournée, mon natel sonne et un message dit : « attaque aux Sagnettes », soit à 500 mètres de mon troupeau. Bref, je sais que je vais mal dormir les nuits suivantes tout en ayant une pensée pour mon voisin et ami touché.

Ça ne vous dira certainement rien, mais pour moi, Étoile, c’est la fille de Filante qui a été élevée par mon papa, descendante de Merline, qui dans les années 90 a été élevée par mon grand-papa qui avait lui-même hérité du troupeau de son père dans les années 60. Donc non, nos animaux ne sont pas de simples vaches à lait ni de simples numéros, ce sont une part de notre histoire, le fruit du travail de nos ancêtres. Ils font partie de nos tripes, c’est notre vie 7 jours sur 7. Connaissez-vous beaucoup de patrons qui connaissent le nom de leurs 180 ouvriers ? Moi non, nous on les reconnait toutes, on connait la plupart du temps leur généalogie et leur petit caractère et on y est attachés. On en prend soin et on fait de notre mieux pour qu’elles soient bien et en bonne santé. Alors je me mets à la place de mes collègues qui ont, eux, retrouvé des génisses avec l’arrière-train dévoré mais encore vivantes et je ne peux que comprendre leur peine.

Je suis en colère contre ce système qui nous met à l’amende pour 2 cm de pas assez pour la largeur d’une couche mais qui laisse des animaux se faire dévorer vivants sous prétexte que c’est la nature. Oui, mes vaches finissent toutes un beau jour à l’abattoir, mais le moindre des respects que je leur dois, c’est de ne pas les laisser souffrir à la fin de leur vie.

Je suis conscient que ce n’est pas la commune qui va donner des autorisations de tir, mais les agriculteurs de Val-de-Travers ont besoin de se sentir soutenus par les autorités comme ça a été fait dans les autres communes voisines citées dans l’interpellation.

Ceci est un appel à l’aide, un SOS des paysans en détresse.

Merci de votre attention.