Etoiles filantes

Libertés neuchâteloises n°3 - Edition du 18 février 2022

La politique est une affaire de conviction, de vision, voire d’utopie, mais doit aussi être mâtinée de pragmatisme. Depuis le fameux dimanche noir de 1992, la question de la destinée européenne de la Suisse agite les esprits autant que les débats. Le sujet devient vite viscéral, les propos épidermiques et les arguments simplistes.

Dans un autre temps, pas si éloigné en termes d’années, mais bien loin en regard de la réalité géopolitique actuelle, résonnait dans nos cœurs, le «Y en a point comme nous» de Gilles. Alors que nous nous estimions indispensables au développement du continent, nous commençons seulement à mesurer l’isolement et l’indifférence qui nous guettent. Contrairement à ce que nous pourrions croire, en voulant conserver une autonomie totale, une souveraineté absolue et une neutralité immaculée, nous sommes en fait en train de devenir un chancre dans une Europe, certes imparfaite, loin s’en faut, mais une Europe qui se construit bon an mal an sans nous.

Chaque jour, en étant de plus en plus exclus, non seulement nous nous marginalisons, mais paradoxalement, nous en devenons de plus en plus dépendants. Aveuglés par nos montagnes, nos banques et notre chocolat, nous n’avons pas vu qu’ailleurs il y aussi des montagnes, des banques et d’excellents chocolats. L’Europe de demain se construit sans la Suisse et alors que nous nous habituions à une forme de condescendance, nous découvrons une nouvelle forme d’indifférence de nos voisins.

Que ce soit l’architecture du rail européen, de l’approvisionnement et la distribution énergétiques, de la sécurité, de la recherche, des échanges économiques ou de la liberté de déplacement, nous voyons notre position se fragiliser. Les errements de certains pays de l’Est, l’égoïsme anglais ou les dérives budgétaires ne doivent pas nous faire croire que nous sommes les meilleurs, enviés de tous.

Hier, l’Europe avait besoin de la Suisse et réciproquement; aujourd’hui, seule la Suisse a besoin de l’Europe. Soyons lucides et pragmatiques, le temps des tergiversations orgueilleuses est terminé. Souvenons-nous en le 15 mai prochain!

Jean-Daniel Jeanneret, vice-président du PLRN