La parole à Philippe Bauer et Pascale Leutwiler

Les deux candidats du Parti libéral-radical neuchâtelois au Conseil des Etats sont en pleine campagne en vue des élections fédérales du 22 octobre prochain. Ils livrent à Libertés neuchâteloises leurs opinions sur trois des thèmes du programme politique du PLRN. La parole sera donnée ultérieurement aux candidats de la liste PLRN pour le Conseil national.

La course pour les élections fédérales d'octobre 2023 bat son plein pour Philippe Bauer et Pascale Leutwiler. Les deux candidats du PLRN au Conseil des Etats ont tous deux un même objectif : siéger sous la Coupole fédérale le 4 décembre prochain. Si Philippe Bauer espère décrocher un deuxième mandat, Pascale Leutwiler quant à elle, vivrait une nouvelle expérience à Berne. A l’approche de cette date butoir, ils donnent leurs avis sur quelques-uns des thèmes politiques chers à leur parti.

La question de la politique de sécurité internationale de la Suisse fait débat depuis plusieurs années et continuera d’être discutée. Depuis juin 2022, la Suisse siège au Conseil de sécurité de l’ONU, en tant que membre non permanent. Cette participation au sein de cette institution internationale est de bon augure pour les deux candidats du PLRN. En effet, selon Philippe Bauer, avocat de profession, cette élection est positive pour la Suisse, car cela lui permet d’exister et de faire entendre sa voix au niveau international.

Les deux colistiers s’accordent sur le fait que la Suisse doit continuer de s’engager dans des institutions internationales, car « elle fait partie du monde » et a besoin de relais, mais qu’une adhésion à l’OTAN n’est en revanche pas envisageable. « On se mettrait un autogoal en voulant travailler tout seul, donc il faut collaborer avec l’OTAN sans y adhérer », estime Pascale Leutwiler.

La menace des cyberattaques

Si la Suisse ne fait pas, pour l’instant, face à une menace militaire conventionnelle, elle est en revanche sujette aux cyberattaques. Ces agressions, qui touchent tant la Confédération que les cantons ou les privés sont une menace pour le pays. Une menace, aujourd’hui prise en considération, avec la mise en place par la Confédération de services de cybersécurité et d’un bataillon cyber, qui a reçu son drapeau à la caserne de Colombier. Malgré l’adoption de ces mesures, la vigilance individuelle prime pour Pascale Leutwiler, entrepreneure : « Chacun doit être responsable et il faut rendre la population attentive. »

Philippe Bauer estime quant à lui que la Confédération ne doit pas assurer la sécurité informatique des entreprises privées : « On en revient à la responsabilité individuelle versus l’Etat providence. La Confédération doit s’occuper de sa propre sécurité, en collaboration avec les cantons et les communes. » Il estime encore que s’il appartient aussi à la Confédération, de lutter, par le biais du Service de renseignement, contre les cyberattaques, ce n’est pas son rôle de financer le suivi informatique pour des particuliers qui se feraient attaquer.

L’armée multitâche

L’armée n’a donc plus uniquement un rôle de défense du territoire à jouer, mais elle permet aussi de protéger les citoyens contre d’autres menaces. « Comme avec la cybersécurité, l’armée aide aussi à la protection des civils et est utile en cas de catastrophes naturelles », lance Pascale Leutwiler. Le Parlement a récemment décidé de soutenir l’armée et d’augmenter progressivement les dépenses militaires afin qu’elles représentent environ 1% du PIB d’ici à 2030, alors que les chiffres étaient de 0,67% en 2019. Pour rappel, l’OCDE préconise un PIB de 2%.

Cette augmentation du budget est justifiée selon les deux candidats du PLRN. « Le financement passe après la définition des besoins, or on voit que certains systèmes arrivent en bout de vie et que de grands défis nous attendent », réagit Philippe Bauer. Pascale Leutwiler estime également qu’il faut se donner les moyens d’avoir une défense efficace, puisque la situation internationale s’est tendue avec la guerre entre la Russie et l’Ukraine depuis 2022.

Le développement de l’armée pose également la question de l’intégration des femmes dans le processus du service militaire obligatoire. « Je pense qu’on doit gentiment poursuivre cette intégration et je suis favorable à ce qu’il y ait une obligation générale de servir pour tout le monde, bien évidemment avec certaines adaptations, notamment au niveau du matériel », estime Philippe Bauer. Un avis que partage sa colistière, mais elle émet quelques points de réserve : « Je pense que l’idée n’est pas mauvaise, mais il y aurait des points à rediscuter et des problèmes privés se poseraient. Par exemple, la situation d’une maman monoparentale pourrait être compliquée. »

Alléger les contraintes de la fiscalité

Si des discussions pour la mise en place d’une égalité concernant le service militaire sont en cours, d’autres discussions en matière d’égalité suivent. Alors que l’économie suisse rencontre le problème des renoncements volontaires à une carrière professionnelle, des mesures comme l’initiative du PLR Femmes Suisse pour une imposition individuelle sont déjà sur la table. Leur but : ne plus contraindre par la fiscalité l’une des personnes du couple à rester à la maison.

Une initiative que soutiennent les deux candidats du PLRN. « Je pense que la taxation individuelle participe à l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais des problèmes pratiques de mise en œuvre vont se poser et je ne suis pas certain que cela va pousser les femmes à exercer davantage une activité lucrative. Mais en soi, cela est légitime et permet d’éviter la pénalisation fiscale du mariage », argumente le conseiller aux Etats.

Du point de vue de Pascale Leutwiler, si l’initiative passe, elle pourrait justement permettre aux femmes d’oser prendre des postes à responsabilité.

Pénurie de main d’œuvre

Ces questions d’égalité fiscale surviennent dans une période où la Suisse fait face à une pénurie de main d’œuvre importante, comme l’explique l’avocat de profession : « Aujourd’hui, on manque de main d’œuvre qualifiée dans tous les domaines de l’économie, même chez les avocats. Notre économie est, en effet, en pleine croissance et les entreprises recrutent à tout va. » Un problème que l’entrepreneure remarque également : « Il y a la génération des « baby-boomers » qui arrive à la retraite et il y a un manque de transmission entre les plus âgés et les plus jeunes. »

Afin de remédier à cette pénurie, Pascale Leutwiler estime qu’il faudrait, par exemple, continuer à promouvoir les formations duales ou permettre aux personnes ayant atteint l’âge de la retraite de continuer à travailler, si elles le souhaitent.

Migration : « Ferme, mais juste »

Un des points importants du programme politique du PLRN est de souligner que l’accès au milieu du travail représente une priorité pour l’intégration des demandeurs d’asile. Un élément que soutient en partie Philippe Bauer : « Pour moi, au moment où une personne est considérée comme réfugiée ou qu’elle séjourne en Suisse avec un permis « S » comme les Ukrainiens par exemple, c’est normal qu’elle puisse travailler en Suisse. En revanche, une personne déboutée, qui doit quitter notre pays, ne doit pas pouvoir y travailler. Elle doit partir.»

De son côté, Pascale Leutwiler est également favorable à intégrer les demandeurs d’asile. Elle estime qu’il faut dès que possible les socialiser et les valoriser, ce qui évitera peut-être d’autres problèmes. Elle émet toutefois une condition : « Nous sommes prêts à former, mais il faut faire attention à ce que cela ne prenne pas du travail à d’autres. Il faut être ferme, mais juste. »

Le canton de Neuchâtel a récemment fait face à une arrivée importante de demandeurs d’asile, notamment en lien avec la guerre en Ukraine. Perreux, le plus grand centre de requérants d’asile de Suisse, dont la capacité maximale initialement prévue est de 480 personnes, a accueilli jusqu’à 811 personnes.

Pour les deux candidats, ce n’est pas acceptable et il n’est pas question d’augmenter la capacité du centre : celui-ci doit être dimensionné par rapport à la population avoisinante. Selon Philippe Bauer, seule une arrivée massive et non-prévisible de personnes pourrait justifier de dépasser les capacités du centre, mais cela doit rester temporaire et ne pas devenir la norme. De son côté, Pascale Leutwiler conclut que le centre devrait être amélioré afin que la situation soit plus agréable pour les résidents.

Par Marie Jeanneret, journaliste