Elle courait le 800 mètres plat en 2’18’’ dans les années ’80. C’est à peine vingt-cinq secondes de plus que l’actuel record du monde féminin de la discipline, tenu par une Tchèque depuis 1983, une certaine Jarmila Kratochvilovà, encore aujourd’hui soupçonnée de dopage. C’est dire si la nouvelle présidente du Grand Conseil est une femme fonceuse et convaincue.
Agricultrice à Savagnier, Mary-Claude Fallet a en effet le regard clair des gens déterminés. Ce qu’elle dit, on le lit dans ses yeux. Il n’y a pas un mot de trop, ni de pas assez. Il n’y a pas de regard fuyant ou louvoyant. «Oui je sais, j’ai un gros accent neuchâtelois, mais finalement ça fait partie de moi.» C’est vrai, on la reconnaît loin à la ronde. Mais ses intonations caractéristiques ne font qu’appuyer un peu plus le fond de ses propos. Ce qu’elle dit ou qu’elle décide, elle le fait.
L’empathie en guise de moteur
Alors quand elle évoque sa fonction de présidente du Parlement cantonal et qu’elle se pose en « rassembleuse », on peut la croire. «En représentation, je serai le canton dans son entier», a-t-elle déclamé devant le Grand Conseil le jour de son accession au perchoir. «J’aurai à cœur d’exprimer sa diversité, ses qualités et sa sensibilité.» Parce qu’elle aime les gens, parce qu’elle aime les rencontres, parce qu’elle aime la vie, elle a fait de l’engagement un état d’esprit.
Elle se veut intergénérationnelle («toutes les époques ont quelque chose dont on peut s’inspirer»), consensuelle (« chaque habitant·e a quelque chose à apporter») et inclusive («hétéro, homo, bi, queer, LGBTH+… tout ça, ça m’est bien égal. On est tous des humains et je n’aime pas les catégories!»).
Spécialisée dans la pomme-de-terre pendant des décennies – elle en cultivait plus de 32 tonnes par année – l’agricultrice de Savagnier a passé la main l’année passée. Son mari s’occupe encore d’une douzaine de vaches nourrices. Mais elle a choisi de se consacrer aujourd’hui essentiellement à ses deux petits-enfants, à son potager et à la chose publique et associative. Ses thématiques de prédilection? Le développement des transports publics, la digitalisation ainsi que la transition énergétique et ses multiples implications.
Présente sur tous les fronts
Elle s’est engagée en politique en 1996. Et depuis qu’elle habite à Savagnier, elle ne rate pas un événement des treize sociétés locales. «Avec ma fonction de présidente de Grand Conseil, il va falloir que je développe mon don d’ubiquité. Mais c’est passionnant!»
Dans l’hémicycle, ce qu’elle redoute à dix mois des élections, c’est que chaque député·e démultiplie les motions ou autres postulats dits de catégories B, juste par réflexe électoraliste. «Ce serait vraiment bien que tout le monde joue le jeu, loin de tout objectif électoral. Mais bon… je n’y crois pas trop.»
Pour répondre au mieux aux exigences de sa nouvelle fonction, elle quittera le Conseil général de Val-de-Ruz à la fin du mois.
Par Raphaèle Tschoumy, journaliste